Contactez MaClape

Les vents du Narbonnais - Le Cers, maître des plaines et des lagunes

Les deux principaux vents audois sont le Cers et le Marin.

La rose des vents du massif de la Clape

La rose des vents en Narbonnais
La rose des vents en Narbonnais
  • Cers, Cèrç (Ouest/Nord-Ouest)
  • Le Grec, Gregau (Nord-Est)
  • Levant (Lever du soleil = Est)
  • Vent d'Espagne, Miègjorn (Sud)
  • Labech ou Garbin (Sud-Ouest)
  • Narbounés, Pounent, Ponent (Coucher du soleil = Ouest)

Le Narbonnais est un pays de vents, soumis principalement au Cers, vent de terre, violent venant du secteur Ouest Nord-Ouest et sa contrepartie, le Marin, vent de mer comme son nom l'indique, venant du secteur Est, Sud-Est.

On rencontre aussi de façon plus épisodique, le Grec (l'Aquilon) venant de la mer du Nord-Est annonciateur de pluie, le Labech (OSO), et le vent chaud d'Espagne venant du Sud.

Le Cers souffle environ 270 jours par an avec des rafales pouvant atteindre 120 km/h. Froid en hiver, chaud en été, toujours sec, il chasse les nuages vers le large et amène le beau temps.

Le Marin, plus régulier, amène humidité et brumes côtières. Il est souvent accompagné de fortes pluies.

Les voix des vents

Le Cers: sifflement aiguisé, éclats stridents fendant l'air. Il dévale les crêtes, s’acharne sur les rochers, fouette la cime des pins d’une main sèche et nerveuse. Sur la plage, il soulève le sable en volutes aveuglantes, efface les traces et écrase les vagues.

Le Cers au coucher du soleil, Plage de Mateille | Gruissan

Le Marin: souffle large, épais d’humidité. Il s’infiltre, insistant, plie les herbes sous son poids, étale sur la terre l’odeur du sel et des lointains mouvants. Sur la plage, il gonfle la mer, fait frémir l’écume et lèche les vagues d’un murmure tiède.

Le Marin, Plage de Mateille | Gruissan

Un jour de Cers dans la Clape | Les arbres et le vent

Ethymologie du Cers

Le Cers tire son nom de Circius, vent divinisé dont la puissance fascinait déjà les Anciens. La légende veut que, frappés par sa force, les Romains lui aient érigé un temple après le passage de l’empereur Auguste à Narbonne en 27 av. J.-C. Sénèque lui-même évoque cette édification dans le livre V des Questions naturelles (De ventis), témoignant ainsi de l’importance qu’on accordait alors aux souffles impétueux du ciel.

Certains historiens situent ce temple sur les hauteurs de la colline de Saint-Cyr, entre Ouveillan et Sallèles-d’Aude, à une dizaine de kilomètres au nord-ouest de Narbonne. Pourtant, aucun vestige n’en a jamais été retrouvé, hormis les restes d’un aqueduc qui longe les flancs de la colline, dernier témoin silencieux de la présence romaine.1.


La représentation du temple dédié au dieu Cers selon Jacques Viguier de l'Estagnol (XVIIIe siècle)
Temple du dieu Cers | Débris d' anciens monuments. Les antiquités narbonnaises ou débris des édifices élevez par les Romains dans l' ancienne Narbonne T.1  f°33  © Médiathèque de Narbonne
Débris d'anciens monuments. Les antiquités narbonnaises ou débris des édifices élevez par les Romains dans l' ancienne Narbonne MS 265 T.1 f°33
© Médiathèque de Narbonne

Selon l'abbé Jean-Baptiste Bousquet (1732-1809), le temple du dieu Cers était situé dans l'enceinte de Narbonne dans la partie Nord.
Il fait aussi référence à des fragments de frise retrouvés à la courtine des bastions Saint Cosme et Saint François ainsi qu'à d'autres endroits et attribués au temple du dieu Cers. A ce stade, aucun élément ne permet de l'affirmer, la frise pouvant tout aussi bien être celle d'un théâtre.

Courtine Saint Felix | tête qui a servi au temple du dieu Cers,  MS 28
Bousquet, Jean-Baptiste (1732-1809) - Abbé et antiquaire narbonnais
© Médiathèque de Narbonne
Courtine Saint Felix | tête qui a servi au temple du dieu Cers, MS 28
Croquis de Bousquet, Jean-Baptiste (1732-1809) - Abbé et antiquaire narbonnais
© Médiathèque de Narbonne
Le plan des principaux monuments romains de Narbonne dont le temple du dieu Cers selon l'abbé Bousquet (XVIIIe siècle)
Plan de Narbonne et du temple du dieu Cers |  Croquis de... bustes et ornements... qui ornent les remparts... de Narbonne et chez les particuliers de cette ville. MS 24
Bousquet, Jean-Baptiste (1732-1809) - Abbé et antiquaire narbonnais
  © Médiathèque de Narbonne
Plan de Narbonne et du temple du dieu Cers | Croquis de... bustes et ornements... qui ornent les remparts... de Narbonne et chez les particuliers de cette ville. MS 24
Bousquet, Jean-Baptiste (1732-1809) - Abbé et antiquaire narbonnais
© Médiathèque de Narbonne

Sur l'origine du mot Circius, deux hypothèses s'affrontent; dans la première, il serait issu du grec, kirkios qui signifie tourbillon (Isaac Vossius, XVIIe s.), tandis que dans la seconde, l'origine serait celte cyrch qui signifie violence, impétuosité ( W. Camden, P. Merula XVIIe s.).

Votre navigateur ne supporte pas les fichiers au format svg

Le Cers dans les écrits anciens

  • Cercius, IIe av. JC (Caton l'Ancien Les Origines, VII)
    Circius, Ier siècle av. JC (Vitruve)
    Circius, Ier siècle apr. JC (Sénèque, Pline)
    Circius, IIe siècle apr. JC (Aulu-Gelle)
    Circius, VIIe siècle apr. JC (Isidore de Séville)
    Circio, IX-XVIe
    Cyerce, XVIe (Rabelais)
    Cers, à partir du XVIIe siècle
Caton l'Ancien, Les Origines, VII: (texte original)
"Le vent Cercius s'engouffre dans la bouche quand on parle. Il est si violent qu'il ébranle un homme armé et même un chariot chargé."
IIe siècle av. J.C.
Vitruve, De l'architecture, Tome I,6:
(texte original)
"C'est pourquoi à droite et à gauche de l'auster soufflent ordinairement le leuconotus et l'altanus ; aux côtés de l'africus, le libonotus et le subvesperus ; aux cotés du favonius, l'argeste, et les étésiens, à certaines époques ; aux cotés du caurus, le circius et le corus"
Ier siècle av. JC
Favorinus, in Aulu-Gelle:Les Nuits Attiques II,6 (IIe siècle apr. JC):
(texte original)
"Nos Gaulois, par exemple, appellent Circius le vent qui souffle chez eux; ce nom vient problablement de la violence et de l'impétuosité de ses tourbillons."
Ier siècle av. JC
Sénèque, Questions naturelles, Livre V, XVII:
(texte original)
"L'Atabulus tourmente l'Apulie, l'Iapyx la Calabre, le Sciron Athènes, le Catégis la Pamphylie, le Circius la Gaule. Bien que ce dernier renverse même des édifices, les habitants lui rendent grâces ; ils croient lui devoir la salubrité de leur ciel. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'Auguste, pendant son séjour en Gaule, lui voua un temple qu'il bâtit en effet."
62 ap. JC
Pline l'Ancien Histoire Naturelle Livre II, XLVI:
(texte original)
"Dans la Narbonnaise, il est un vent très célèbre, le Circius, qui ne le cède en violence à aucun, et qui la plupart du temps porte à Ostie en droite ligne, à travers la mer de Ligurie. Non seulement il est inconnu dans les autres contrées, mais même il ne se fait pas sentir à Vienne, ville de la même province : à peu de distance, ce vent si terrible est arrêté par l'interposition d'une chaîne de médiocre hauteur."
publié vers 77 ap. JC

Isidore de Seville: De natura Rerum, 37.1
(texte original)
"Circius est aussi appelé Thrascias, qui, soufflant de la droite de Septentrion, apporte neige et grêle."
publié vers 612-615 ap. JC

Circius Tracias dans la copie du "De Natura Rerum " au IXe siècle | MS 422 Laon © BNF
Circius Tracias dans la copie du "De Natura Rerum " au IXe siècle
MS 422 Laon © BNF
Rabelais: Pantagruel
"Ce bon vent du Languegoth que l'on nomme Cyerce! Le noble Scurron, médicin, passant un jour par ce pays, nous contoit qu'il est si fort qu'il renverse les charrettes chargées."
1532

Pèire Godolin: Las obras, le Ramelet Moundi, chant Royal (Cant rouyal)
(texte original)
"Quand le ciel en plein jour se couvre de nuages
Que le Cers et l’Autan s’affrontent l’un et l’autre."

XVIIe siècle

Le Ramelet moundi, 1637 | © BNF
Le Ramelet moundi, 1637 | © BNF

Si tous s’accordent sur la violence et l’impétuosité du Cers, Vitruve en précise la direction, le situant entre le favonius (vent d’Ouest) et le caurus (vent de Nord-Ouest), soit, en règle générale, un vent dominant d’Ouest-Nord-Ouest.

Le nom Circius avant le Cers

AuteurDate de publication approx. Nombre de directions
dans la rose des vents
Nom du vent de secteur NNO
30° à l'ouest du nord
Aristote340 av. JC10/12Thrascias (θρασκίας)
Théophraste de Eresos300 av. JC10/12Thrakias ou nom local Circias
Timosthenes282 av. JC12Thrascias ou Circius

Thrascias (comme l'Argeste cité aussi par Aristote) sont des vents du nord-nord-ouest et du nord-ouest.

Description des côtes, des îles et des ports de l'Océan atlantique et de la Mer Méditerranée. Thracias et Circius dans la rose des vents issue du livre d'Aristote. 1504-1515 © BNF
Description des côtes, des îles et des ports de l'Océan atlantique et de la Mer Méditerranée. Thracias et Circius dans la rose des vents issue du livre d'Aristote. 1504-1515 © BNF

Avant de désigner un vent local, le nom Circius avait déjà été utilisé par Timosthènes de Rhodes vers 282 avant JC. Il est le premier à mettre en correspondance la direction du vent (localisation géographique par rapport à Rhodes) et les peuples qui y habitent dans sa rose de douze vents. Ainsi le vent Thrascias, en grec θρακίας (en latin Circius) de direction NNO se rapporte au peuple Celte.

Ce n'est qu'au Ier av. JC, que la direction des vents Thrascias et Circius se différencieront.

Les vents en tant que confronts au Moyen-Âge

Les vents servaient aussi à indiquer les confronts d’un territoire, d’une parcelle de terre ou d’une habitation, car ils étaient connus de tous. Ainsi, au IXe siècle, le terroir de Saint-Pierre del Lec (Armissan), dans la Clape, est défini selon ce repère naturel : Circio, désignant ici le Cers, soufflait de l’Ouest-Nord-Ouest, tandis qu’Altan, un vent venu du large, correspondait au marin, soufflant de l’Est-Sud-Est.

Le Cers en tant que confront reste prédominant tout au long du Moyen-Age.

Graphie confronts
Rose des vents en Narbonnaise: graphie XIV e s. en latin
  • Saint-Pierre del Lec
  • NNE
    de aquilone in recho vocato valle marchia (Ruisseau de Doms) qui descendit de monte qui dicitur seu vocatur Cerna Megayra,
  • SSO
    de meridie in via que transit per medium bastide de Mojano (Moujan) quod venit de mari apud Narbonam,
  • ONO
    de circio in stanno vocato Sals, (étang salin)
  • ESE
    de altan in camino qui venit de Ermissano (Armissan) apud Narbonam.
  • Altan (du latin altanus, vent haute mer): Ventus qui pelagi, Altamus vocatur.
    Maurus Servius Honoratus (IVe siècle)
    Ce qui donnera par la suite le nom "vent d'Autan" pour indiquer la direction.

Au XVIIe siècle dans les archives municipales de Narbonne, on peut ainsi lire:
"du vent de Cers et acquillon, et du costé de marin et midy jusques aux terroirs de Val-de-Galbe, ..." (1612)
"Bail consenti au sieur Boussounel pour les travaux de fermeture de la brèche qui s'est formée au côté cers (ouest) du canal de la Robine, près de l'Ardailhon." (1699)

On trouve aussi au XVIe siècle, le terme Ponent au lieu et place du Cers, pour désigner l'Ouest, le couchant.

La Tramontane et pas le Cers

Bien que l’origine du nom Tramontane soit plus récente que celle du Cers – il apparaît pour la première fois dans les écrits au XIIIe siècle – il est aujourd’hui couramment utilisé pour désigner tout vent soufflant de la terre vers la mer sur la côte languedocienne. Pourtant, nombreux sont ceux qui déplorent l’omniprésence de ce terme au détriment de celui du Cers, y voyant le symbole d’une identité effacée et d’une mémoire oubliée.

  • tramontaine, 1265 (Brunetto Latini, li Livres dou Tresor)
    tremuntana / tramontana, 1276 (Raymond Lulle, le livre de contemplation de Dieu)
    tramontana, 1298 (Rustichello de Pise, le devisement du monde)
    tramontaine, 1328 (anonyme, l'entrée d'Espagne)

Les Vents dominants


Statistiques: Direction des vents sur le littoral de la Clape

Si la direction prédominante du Cers est l'ONO (rhumb 27), elle peut varier de part et d'autre ce qui a conduit à dénommer ces directions "Hypocircius" (rhumb 28) et "Mesocircius" (rhumb 26).

Pour le Marin, le rhumb est l'ESE (11).

Une nature marquée par le vent: Cers & Marin

Le Cers souffle, et l’arbre ploie. À notre échelle, c’est le bruissement des branches, le craquement du bois sous la tension. Mais plus bas, plus loin, autre chose vibre. Une pulsation sourde, un battement profond. Une respiration ralentie.
Tout le tronc résonne sous l’impact du vent. L’onde se propage, serpente —insaisissable, impalpable — comme un frémissement souterrain, anémomorphose silencieuse, sculptant l’inconnu.

L'anémomorphose

Anémomorphose: du grec anémos (vent) et morphos (forme). Ce terme désigne un processus réversible par lequel la croissance d’une plante s’adapte aux vents dominants, une contrainte locale forte. Il se manifeste par diverses réponses : port penché, port droit avec branches développées d’un seul côté, déséquilibre du houppier, croissance horizontale, etc. Il s’agit d’une accommodation (accommodats : caractères non fixés génétiquement) et non d’une adaptation, cette dernière étant transmissible à la descendance grâce à des caractères génétiquement fixés.
L'arbre penché et le port en drapeau (croissance asymétrique)
Les branches d'un pin.
Les branches d'un pin | Peyriac de Mer

La nature est soumise à la force du vent qui imprime sa marque particulièrement sur les arbres dont les troncs sont penchés selon une inclinaison vers le secteur E - SE. Le développement des branches est aussi moins important sur le côté exposé au vent (dissymétrie du développement).

Pin penché sur l'île de Saint-Martin
Pin penché
Combe Espesse | Île de Saint-Martin

Arbres soumis au Marin

Olivier de Bohême soumis au Marin | Plage des Ayguades
Olivier de Bohême soumis au Marin | Plage des Ayguades

Arbres soumis au Cers

Pins soumis au Cers | La Goutine Pins soumis au Cers | La Goutine Pins soumis au Cers | La Goutine
Pins soumis au Cers | La Goutine Pins soumis au Cers | La Goutine
Pins soumis au Cers | Figuières
Chêne vert soumis au Cers
Chêne vert soumis au Cers
L'arbre rampant pour limiter son emprise au vent.
L'arbre rampant pour limiter son emprise au vent (croissance horizontale)
Pin dans l'île de Saint-Martin | La Clape

L'inclinaison des arbres: Oeil de Ça, Sigean.

Oeil de Ça | Sigean
L'inclinaison des arbres: le Mour, Peyriac de Mer.

Le Mour | Peyriac de Mer
L'arbre penché et son développement asymétrique: Chapelle des Auzils, La Clape.

Chapelle des Auzils | La Clape
L'arbre penché et son développement asymétrique: Foncaude, Gruissan.

Foncaude | Gruissan

Les épisodes méditerranéens

Les plages submergées:

Lors des tempêtes méditerranéennes (épisodes méditerranéens), le Marin renforce la montée des eaux. Sous son souffle, les vagues se forment et déferlent avec force, submergeant progressivement les plages. Les lagunes, gonflées par l’afflux d’eau, débordent et s’étendent vers l’intérieur des terres, inondant les zones basses et modifiant temporairement le paysage côtier.

  • Les épisodes méditerranéens résultent de remontées d’air chaud, humide et instable en provenance de la Méditerranée, portées par des vents de sud à sud-est. Ces conditions peuvent engendrer de violents orages, parfois stationnaires, ainsi que des submersions.

La plage des Ayguades envahie par la mer lors des tempêtes.

Février | Plage des Ayguades
Débordement des lagunes côtières, étang de Mateille.
Février: Débordement des lagunes côtières | Etang de Mateille

Plage des Ayguades, Mars
Mars | Plage des Ayguades

La plage des Ayguades envahie par la mer lors des tempêtes.
Octobre | Plage des Ayguades

Plage de Mateille, Novembre
Novembre | Plage de Mateille
Plage des Ayguades, Novembre
Novembre | Plage des Ayguades

Les conséquences d'un épisode méditerranéen dans le massif de la Clape: Les recs

Les épisodes méditerranéens peuvent engendrer de fortes précipitations, comme ce fut le cas du 24 au 26 novembre 2021. En trois jours, le massif de la Clape a reçu entre 150 et 200 mm de pluie, ravivant le débit des recs, ces cours d’eau temporaires généralement à sec, et intensifiant le ruissellement.


Episode méditerranéen dans la Clape | 24-26 Novembre 2021 © JYB

Prévisions à Gruissan